De la graine à la feuille...


Pour avoir un nouvel arbre, il faut planter une graine. Ou plus simplement, on laisse faire la nature : l’arbre fait un fruit, le fruit tombe ou est mangé par un animal qui le transporte au loin, et la graine germe et donne un nouvel arbrisseau, un nouvel arbre… A part quelques exceptions, c’est la méthode universelle de reproduction des arbres à fruits.

Mais qu’en est-il du théier ? C’est un camélia aux jolies fleurs blanches et aux drôles de fruits trilobés. Il porte même tellement de fruits que dans certaines régions de Chine, on en fait une huile des plus prisées. Pourtant, peu de ces graines donneront un nouveau théier…

Depuis des siècles, lorsqu’on veut multiplier un théier, on fait un bouturage : on coupe une jeune branche, on la laisse faire des racines dans l’eau puis on la replante et on attend d’avoir un nouveau théier clone du premier. Certes chez les théiers, très peu de graines germent, ce qui rend le bouturage très intéressant, mais ce n’est pas une raison pour rendre ce bouturage systématique. On pourrait facilement récolter les graines et les laisser germer afin d’obtenir assez de nouveaux plants pour développer de nouveaux jardins. Et pourtant…

Il y a bien une raison de ne pas laisser faire la nature : la pureté des cultivars, l’uniformité des goûts… Pour un thé donné, il y a un ou deux cultivars utilisés, pour une famille de thés, une série bien codifiée de cultivars. On parle bien de cultivars, créés par l’Homme, et pas de variétés inventées par la Nature…

Il y a même des centres de recherche dédies à créer les cultivars de demain, en contrôlant l’hybridation sur des décennies et en ne sélectionnant qu’un ou deux individus avec soin pour leur goût, leur productivité ou leur résistance. Ensuite, chaque nouveau plant sera une bouture, un clone, et il n’y aura plus de place pour les graines…

Peut-on même parler de cultivar lorsque presque toute la production d’une région, d’un pays, est composée des boutures d’un seul individu, comme le Yabukita au Japon par exemple ? Ce n’est plus une famille, même eugéniste, c’est l’Armée des clones…

Mais il y a quelques exceptions dans le monde du thé, souvent aux marges de l’ancien Empire du Milieu :

  • Les Puer et les Heicha, faits à partir d’arbres sauvages des forêts de thés du Yunnan, du Hunan et du Guangxi, mais aussi de Thaïlande et du Laos. Certaines de ces forêts de théiers sont restées sauvages, d’autres ont été depuis longtemps organisées en jardin, mais jusqu’à il y a très récemment la propagation par semis (humains ou sauvages) a primés sur le bouturage.

 

  • Les oolongs du Minbei et la grande richesse des merveilleux thés des rochers de Wuyishan : la nature riche, mais difficiles des falaises de Wuyi a créé plus d’une centaine de variétés de thés. Si aujourd’hui la nature a été supplantée par la main de l’homme et la plupart des jardins actuels sont issues de bouturages lors du dernier demi-siècle, et plus récemment de nouveaux cultivars, il y reste quelques anciens théiers centenaires et quelques théiers mystérieux apparus spontanéments et dont on ne sait rien… La magie de la nature… 
  • Les dancongs des Monts du Phénix : dans l’Est du Guangdong, il est une région où l’on privilégie la diversité et la main de la nature. Les meilleurs thés sont issus d’un seul théier devenant arborescent avec les décennies, les siècles. Les thés y sont classés soit selon leur lignée, soit selon le goût qu’ils développent, avec une palette d’une centaine de goûts servant à les décrire, allant du floral au fruité ou au boisé…

Les cultivars des principales sortes de thé offrent des goûts bien reconnaissables, permettant de distinguer dès la première gorgée l’origine. La qualité et la variabilité du thé tient aux micro-variations du terroir et à la maitrise du producteur : une certaine normalisation existant depuis des siècles, bien avant la mondialisation.

Les théiers naturels proposent quelque chose de différent. Une variabilité, un petit frisson de l’inconnu. La nature, l’âge de ces théiers apporta aussi du corps et de la longueur aux thés que l’on ne retrouve pas sur les théiers bouturés qui s’épuisent souvent au bout de quelques décennies.

Mais à la vue de ces arbres, on comprend qu’ils sont aussi bien moins intéressant pour un développement rapide d’un nouveau jardin : ils mettent plus longtemps à devenir luxuriant, ont plutôt tendance à être arborescent et moins simple à tailler en table de cueillette. Ils ont en revanche, de par leur matériel génétique plus riche, plus de chance de survivre les premières années aux attaques d’insectes. Et donc, arrivent parfois à coloniser dans les endroits montagneux les forêts entourant les jardins de thé, recréant des forêts de théiers, et pas seulement dans le Yunnan.

Ces théiers n’ont pour autant pas été boudés par les petits producteurs locaux. Si ils ne peuvent souvent pas être utilisé pour leurs grades commerciaux du fait de leur trop grande originalité, ils peuvent être utilisé pour leur production personnelle : comme notre Tai Ping Hou Kui Sauvage

 


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