Les Qimen font parti de ces thés qu'Arnaud et moi apprécions particulièrement. Ce sont des thés que nous nous préparons régulièrement pour un réveil gourmand ou une pause thé au goûter. Oui, nous sommes gourmand!
Il y a un siècle et demi, ils ont conquis l'Occident et supplanté les thés du Fujian pour une bonne raison: cette gourmandise qui a plu aux Anglais et aux Hollandais... Pourtant aujourd'hui, dans le monde occidental, le Qimen est plutôt synonyme de Blend pour le petit déjeuner, voire tout simplement de sachet. En effet, malheureusement, les Qimen auxquels nous avons accès sont généralement de très basse qualité, produit en masse, tout au long de l'année, et surtout à l'été et à l'automne lorsque la productivité est la plus importante.
Aujourd'hui, en Chine, de plus en plus de producteurs remettent en cause cette logique productiviste et s'orientent vers la production de thé de qualité qui leur permet aussi de vivre confortablement sur une exploitation familiale. En effet, les connaisseurs chinois n'hésitent pas à mettre le prix nécessaire pour avoir des thés de qualité, bien plus que les Européens. De fait, les prix des beaux Qimen augmentent, souvent plus que ce que peut proposer une boutique européenne. Aussi, l'Europe n'a souvent accès qu'à la production de masse de piètre qualité. La réputation productiviste des Qimen rend aussi ces thés peut attractifs pour les amateurs européens... Un cercle vicieux.
Et pourtant, il y a de plus en plus de beaux Qimen de grande qualité. Et nous sommes heureux d'en proposer quelques dignes exemplaires.
Mais quels sont les critères qui définissent la qualité des Qimen? Si on oublie les petites variations de terroirs dans le comté de Qimen, il y a tout d'abord la technique utilisée, le gradage, la période de récolte, la formule et la tendreté des feuilles.
Pour faire des Qimen, il y a deux techniques qui donnent deux formes de feuilles tout à fait différentes: des feuilles droites en forme d'épine, juste roulées sur elles-mêmes comme pour les Qimei, et des feuilles plus travaillées, roulées en spirale comme les Xiang Luo. Ces deux techniques donnent deux profils aromatiques différents, le premier plus fin et fleuri, le second plus gourmand et cacaoté.
Il y a ensuite le grade. Il faut garder en mémoire que les Qimen sont triés à la main feuille à feuille à la fin de la production en différents grades. Les opératrices vont donc séparer les feuilles en fonction de leur taille, de leur forme, des imperfections (feuilles mal roulées, feuilles cassées). Sur leur table de tri, il y aura à la fin de leur travail, trois types de feuilles: les plus parfaites pour les meilleures thés, un grade intermédiaire et le reste sera utilisé pour faire du tout venant.
Il y a la date de la cueillette. Souvenons-nous du cycle végétatif d'un bourgeon: quand le bourgeon végétatif est mûr, il s'ouvre formant une première feuille en forme d'écaille de poisson et une ramille qui va se développer. Cette ramille est formée d'un bourgeon terminal et de feuilles qui apparaissent les unes après les autres jusqu'à environ 5 feuilles. Lorsque la ramille a développé toutes ses feuilles, elle se met en végétation pour quelques semaines avant de reprendre un nouveau cycle végétatif pour l'été, puis pour l'automne. Si on cueille des feuilles sur la ramille, elle reforme un bourgeon et continue son cycle jusqu'à avoir produit en totalité 5 feuilles en moyenne.
Pendant la cueillette de printemps, il y a aura donc trois à cinq cueillettes possibles par théier: une première avant QingMing, une deuxième juste après, une troisième avant la fête de la pluie de grain et potentiellement deux après. Chaque récolte étant séparée d'une semaine environ. Ceci est vrai pour tous les théiers et tous les cycles végétatifs. N'oublions pas que le bourgeon initial produit les thés les plus parfumées, il met plus de temps à se développer et se gorge ainsi de toute la puissance vitale de la plante, et que les feuilles succesives recoivent du matériel plus grossier pour faire grandir la ramille. Donc la qualité des thés va décroître d'une cueillette à l'autre.
A partir de là, nous pouvons définir les deux derniers critères qui sont un peu liés, la formule de cueillette et la tendreté des feuilles. La formule, c'est le choix de cueillir un bourgeon et une feuille, un bourgeon et deux feuilles ou un bourgeon et trois feuilles. On comprend aisément qu'une ceuillette "un bourgeon, une feuille" sera plus aromatique qu'une cueillette plus mature. Aussi pour les Qimen, on ne récolte que des thés au stade "un bourgeon, une feuille". Il y a un autre point à prendre en compte: on peut cueillir un bourgeon et une feuille lorsque la ramille à deja produit deux ou même trois feuilles et on aura au final des feuilles plus mature, on dit moins tendre, et un thé au final moins aromatique.
La tendreté est un point très important pour le profil aromatique des thés, mais aussi très difficile à maîtriser. Pour une cueillette de thés de qualité, il faut pouvoir récolter les feuilles les plus tendres, si possible avant que la seconde feuille n'aparaisse. Toutefois la nature n'est pas si régulière, les bourgeons apparaissent à des moments différents, une nouvelle feuille croit ensuite tous les un à deux jours, et on ne peut économiquement parlant pas revenir sur le même jardin tous les jours.
Ceuillir "un bourgeon, une feuille", lorsque la première feuille est deja bien developée, mais avant que la seconde n'apparaisse demande une bonne maîtrise de ses jardins. Dans le cas contraire, il y aura une quantité plus ou moins grande de feuilles moins tendres. Et pour avoir le meilleur thé, il faut avoir les feuilles les plus tendres possibles. Cette maîtrise devient d'autant plus difficile que les ceuillettes se suivent, mais on apporte globalement moins de soin aux ceuillettes plus tardives, car elles ne pourront pas être vendue aussi chères.
Voici donc les critères de qualité dans le choix des feuilles.
Dans notre sélection, cette année, nous avons deux Xiang Luo:
- Notre Qimen Xiang Luo provient d'une cueillette précoce, avant QingMing, où un soin particulier dans la cueillette de feuilles bien tendres a été apporté et où un grade légèrement plus élevé a été sélectionné,
- Notre Qimen est aussi un Xiang Luo, mais cueilli après QingMing et réalisé à partir d'un matériel de base un peu moins tendre. On peut aussi voir quelques défauts de roulage dans les feuilles, mais cela reste un très beau grade .
Pour réaliser un Qimei de qualité, très aromatique, il faut se limiter aux feuilles les plus tendres, avant l'apparition de la seconde feuille. Le thé qui n'est que roulé sur lui même en aiguilles, et non pas en spirales comme les Xiang Luo, est donc moins oxydé d'autant qu'il passe moins de temps dans la chambre d'oxydation après le roulage. Cela donne des thés qui expriment encore leur coté floral.
Au contraire les XiangLuo sont plus oxydés, ce qui fait ressortir les notes gourmandes et leur donne plus de corps. Cette oxydation plus importante permet aussi d'utiliser des feuilles moins tendres. Cela explique en partie les différences de prix sur le marché chinois.
On est bien loin du tout-venant, rejeté lors du tri, qui forme l'essentiel des Qimen du commerce.
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