Dancong: la querelle des Anciens et des Modernes


Suite à plusieurs discussions sur les Dancong et leur vieillissement avec d'autres passionnés, j'ai eu envie d'un de mes anciens Dancong, un petit Ba Xian de 2015, le premier thé acheté à mon ami producteur de Lingtou. C'est justement en recherchant ce thé que j'ai rencontré mon ami Zhang. Il faut dire qu'à Shanghai, trouver des Dancong dans une maison de thé est assez exceptionnel, aussi avais-je contacté directement différents producteurs grâce aux réseaux sociaux chinois. J'avais une envie folle de Ba Xian, un de ces thés complexes qui m'a toujours étonné, autant les vrais Dancong que leurs clones exportés à Taiwan.

Si je me remémore mon histoire avec les Dancong, je dois bien avouer qu'elle a été autant pavée de thés de garde que de thés jeunes. Comme par exemple un de mes premiers coups de coeur pour un Mi Lan Xiang de 1994 de Imen, qui tient une boutique à Los Angeles, Tea Habitat, qui a longtemps été et qui reste d'ailleurs toujours un des rares antres à Dancong hors des Chaoshan.

Certes, quand on parle de vieux Wulongs, on parle naturellement de thés des rochers ou de thés taiwannais, rarement de Dancong. Tous ces Wulongs de garde ont une identité commune : une forte torréfaction qui permet de baisser l'humidité le plus possible afin d'éviter que le thé ne se gâte. Le vieillissement aura pour conséquence d'adoucir les notes de torréfaction, de développer les notes de fruits compotés, et de transformer les notes florales et végétales en notes d'herbes aromatiques ou en notes animales de musc et d'ambre. Les gens du Fujian appellent ce gout particulier Chen Wei, l'odeur de vieux des Wulong. C'est pourquoi les thés torréfiés sont considérés comme étant meilleurs après 6 mois à un an de repos. Aussi, les Wulong vraiment dédiés au vieillissement sont les plus torréfiés. Il ne faut pas confondre cela avec la pratique de re-torréfier le thé tous les deux ans pour lui donner une nouvelle fraicheur: les meilleurs Wulongs ne sont torréfiés qu'avant leur mise en réserve et parfois avant leur remise en vente.

Quel rapport avec les Dancong, ces Wulong fleuris assez verts, avec juste une petite torréfaction pour apporter un peu de corps? Il m'aura fallut vivre en Chine pour comprendre. Comprendre la mode chinoise déjà : les Chinois dans leur majorité aime leurs thés de plus en plus frais et verts. Il n'y a plus que certaines boutiques attachées à la tradition qui veulent encore de ces thés plus charpentés. Ce qui se vend aujourd'hui, ce sont des thés frais et légers. Les thés verts deviennent de plus en plus vert, les Wulong d'Anxi aussi (les versions oxydées et torréfiées de Tie Guan Yin ne se rencontrent presque plus qu'à Taiwan, en très faible quantité) et les Dancong aussi ont suivi ce chemin depuis une décennie. En fait, le gout traditionnel des gens du Sud-Est de la Chine disparait au profit du gout des Chinois du Nord, qui sont aujourd'hui les vrais acheteurs avec les capitaux pour se procurer les meilleurs thés. Et le marché se transforme. Si ces thés charpentés survivent, c'est grâce à la demande de la diaspora et de quelques locaux.

Moi qui suis alsacien, ça me rappelle l'évolution de nos vins blancs d'Alsace, entre une vieille génération, une vieille-garde même, qui font survivre des vins fruités et assez secs, et un marché qui veut aujourd'hui des vins doux et liquoreux.

Lorsqu'on revient vers des Dancong traditionels, on retrouve des thés plus oxydés, plus torréfiés. Ces modes anciennes de production sont souvent aujourd'hui réservées aux plus vieux théiers. Je dirais même: on ne trouve pas de Wulong verts fait à partir de théiers pluri-centenaires uniques. C'est comme si une dichotomie se faisait, entre les Anciens et les Modernes. Mais ces Wulong à l'ancienne ont tellement à offrir, ne serait-ce pas dommage des les oublier au profit des Goûts du Nord?

J'avoue... J'ai choisi mon camp... Je ne marche pas dans la mode, ca porte malheur...

Et j'ai la chance d'avoir un ami producteur qui continue cette tradition et n'hésite pas à rechercher des thés dans la même veine, pour en faire commerce... pour mon plus grand bonheur...

Arnaud


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